Preuves de l’existence de Dieu

Preuves de l’existence de Dieu
Preuves de l’existence de Dieu
    De son point de vue humain et guidée par la foi, la raison peut donc saisir la hiérarchie des êtres, dont elle est une partie, depuis le créateur jusqu’aux choses matérielles : et, de ce point de vue, prennent leur sens les preuves de l’existence de Dieu qui sont du genre de ces démonstrations qui procèdent de l’effet à la cause et qui, selon les Analytiques postérieurs d’Aristote, s’opposent à celles qui partent de la cause pour arriver à l’effet : ce second genre de démonstration était courant dans le néoplatonisme qui s’efforçait de saisir la genèse de toutes les réalités à partir de l’Un ; rien de plus impossible chez saint Thomas où, dans l’état présent, l’esprit humain est fixé par la nature à un niveau qu’il ne peut quitter et n’a pour objet direct que les choses matérielles. Des « cinq voies » par lesquelles on peut accéder à Dieu, la première reproduit la preuve du premier moteur d’Aristote : le mouvement existe ; or, dans le mouvement, un être en puissance devient être en acte : par exemple la chose froide, qui était chaude en puissance, devient chaude en acte ; un pareil devenir n’est possible que comme effet d’un être déjà en acte (dans l’exemple donné, d’un être qui est chaud en acte), qui est le moteur du mouvement ; si ce moteur lui-même est mû, il doit l’être par un autre ; mais on ne peut procéder à l’infini de moteur en moteur ; il faut donc s’arrêter à un premier moteur immobile qui est Dieu. La « seconde voie » part de la notion de cause efficiente : nous constatons, dans l’expérience sensible, l’existence de causes efficientes ordonnées ; par ordonnées (et c’est sur ce terme que s’appuie la force de la preuve), saint Thomas entend des causes qui produisent un effet par des moyens déterminés, comme le bras qui pousse une pierre avec un bâton : à l’exemple d’Aristote, il n’envisage que des processus clos de ce genre, qui impliquent trois termes, le premier, le moyen et le dernier, dont le second d’ailleurs peut se multiplier ; dans une causalité « ainsi ordonnée », il faut nécessairement qu’il y ait un premier terme : sans quoi l’effet n’existerait plus. Si ce premier terme, dans le processus considéré, est lui-même l’effet d’une autre cause, comme on ne peut pas procéder à l’infini, il faudra s’arrêter à une cause absolument première, qui est Dieu. La troisième voie utilise les notions, familières au péripatétisme arabe, de possible et de nécessaire ; elle se fait en deux temps : du possible, on remonte au nécessaire, et du « nécessaire par autre chose » au « nécessaire par soi » : la génération et la corruption que nous constatons dans les choses sensibles nous amènent à les concevoir comme simplement possibles par elles-mêmes, c’est-à-dire comme pouvant ne pas exister ; sous peine de ne pas être, le possible doit tirer son existence d’un être nécessaire ; en fait, la génération et la corruption ont leurs principes dans le ciel, que saint Thomas paraît bien vouloir désigner en parlant du « nécessaire qui tient d’ailleurs la cause de sa nécessité » (c’est l’expression par où Avicenne désigne les intelligences motrices des cieux émanées de Dieu) ; comme, en remontant de nécessaire en nécessaire, on ne peut procéder à l’infini, il faut s’arrêter à un être nécessaire par lui-même ou à Dieu.
    Les deux dernières « voies » ont un caractère un peu différent des trois premières ; elles se rattachent moins au péripatétisme qu’à la tradition de saint Anselme et à la tradition chrétienne générale : la quatrième implique comme un axiome que tout comparatif suppose un superlatif, c’est-à-dire que, si l’on constate dans les choses sensibles des degrés variables d’une même qualité (de la chaleur par exemple), c’est par référence à un être tel que le feu, qui a le maximum de chaleur ; il en est ainsi pour les degrés d’être, de vérité ou de bonté qui se réfèrent à un être suprême, suprêmement vrai et suprêmement bon : seulement, il faut remarquer que saint Thomas déplace la preuve d’Anselme du plan des idées au plan du réel ; ce n’est pas par une exigence de la pensée que nous devons imaginer pareil maximum ; c’est à titre de cause réelle des effets que nous constatons. La « cinquième voie » enfin part de la finalité que nous rencontrons dans des êtres matériels et privés de connaissance ; cette finalité ne peut être attribuée qu’à une intelligence souveraine et transcendante à la nature, c’est-à-dire à Dieu.
    Si le thomisme attache une telle importance à ces preuves, c’est parce que, pour lui, la raison humaine est privée de toute connaissance directe de Dieu. Mais il s’ensuit une conséquence importante : le néoplatonisme, partant de Dieu ou de l’Un, était amené à considérer Dieu moins comme la source des existences que comme la première d’une série de réalités hiérarchisées dont chacune engendrait la suivante. Saint Thomas, procédant de l’effet à la cause, ne préjuge rien sur la manière dont la cause suprême a produit son effet ; car l’effet, conçu à la manière qualitative dont le conçoit saint Thomas, ne donne d’abord, sur la cause, que des renseignements très généraux qui laissent ouverte la possibilité d’un accord avec la foi, fermé d’abord par le néoplatonisme. En effet, chacune des preuves de l’existence de Dieu nous a révélé autant d’aspects de la divinité, comme cause du monde : Premier moteur, cause suprême, nécessaire par soi, être et bonté souverains, ordonnateur des choses matérielles, tel il nous est apparu par ces cinq voies : partant de ces caractères, saint Thomas va préciser, par une série de déductions, ses attributs, et retrouver en lui la cause suprême, intelligente et libre, qu’enseigne le christianisme : c’est là assurément le point délicat du système, puisque c’est là que sont mises à l’épreuve les assertions de saint Thomas sur la foi et la raison. En effet, la « première voie » est celle qui amenait Aristote à un premier moteur qui n’agit qu’à titre de cause finale sur un monde éternel ; la seconde voie mène à une cause qui agit par des moyens plutôt qu’à une cause créatrice ; la troisième voie conduisait Avicenne à affirmer la production nécessaire des choses ; et l’idéal suprême de la quatrième voie, pas plus que l’ordonnateur de la cinquième, n’est pas davantage le Dieu créateur révélé par la Bible.

Philosophie du Moyen Age. . 1949.

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